Et au milieu coule La Rivière…
Une rivière qui ce week-end, a fait couler beaucoup d’encre. Et avec elle, un torrent de condescendance et de remarques déplacées. Le Restaurant la Rivière à Strasbourg, un endroit qu’il me tardait pourtant de découvrir. J’ai hésité avant de publier cet article, mais encouragée dans ce sens, j’ai fini par me dire qu’au même titre qu’un avis positif, l’expérience valait la peine d’être partagée.
La Rivière, 3 rue des Dentelles Strasbourg
Le repas démarre normalement par des amuse-bouches (savorys) ou par une entrée, plats sur lesquels nous avons fait l’impasse. Nous nous sommes restreints à un plat principal et un dessert pour moi, dégusté sous le poids de la culpabilité.
Nous souhaitions chacune prendre des raviolis vapeur, pensant naïvement que ces derniers étaient considérés comme des plats à part entière. J’ai eu la maladresse de demander si je pouvais en prendre 2 fois (ou 2 sortes). Grossière erreur ! J’ai amèrement regretté cette question. Les yeux levés vers le ciel « Ceci ne se fait pas ici, vous êtes dans un gastro ! ». Et si les raviolis vapeur sont à tomber, pourquoi ne pourrais-je pas en reprendre deux fois? Après tout, c’est mon choix, je suis cliente et je suis là pour déguster ce qui me fait plaisir, non ? Et selon mon appétit du moment. Mais cela ne se fait pas ici.
Pour la boisson, nous avons opté pour de l’eau pétillante. Là encore, exaspération non dissimulée du maitre des lieux lors de la prise de commande. Il y a visiblement ici un panier moyen à dépenser et des us et coutumes.
Quand restaurant gastronomique…
A trois reprises, on nous a assenées d’un « vous êtes dans un gastronomique ! » « Si tout le monde faisait comme vous, avec le petit nombre de tables ici, on mettrait la clé sous la porte » « Vous êtes ici pour découvrir des mets, toute la palette de saveurs…» « Ça ne sert à rien de venir si c’est juste pour prendre un plat, je vous dis ça, ce n’est pas pour être méchant » des propos censés nous rassurer sans doute, suivis d’un « Vous auriez dû vous renseigner avant de venir ! », un comble.
Mon choix s’était clairement porté sur ce restaurant à la lecture des articles de Julien Binz, de Gilles Pudlowski, et de Beau à la Louche. Je n’ai pas été suffisamment avisée, je m’en excuse. Mais nous savons bien que le traitement réservés à ces deux messieurs, connus et reconnus, n’est pas le même que celui réservé au client lambda. Articles qui par ailleurs, ne mentionnent nullement le terme de « restaurant gastronomique » ou le fait que le client doit prendre « de tout ».
Je m’interroge donc : situé en plein cœur de la Petite France (à deux pas de la Pl. Benjamin Six), les nombreux touristes qui décident de franchir la porte à la seule lecture de la carte ont-ils eux, bien pris le temps de se renseigner ? Ont-ils droit aux mêmes égards que la clientèle d’habitués ? Ou sont-ils poliment orientés vers des établissements plus calibrés pour touristes ?
Les plats arrivent et se dégustent dans un ordre bien précis, rituel que l’on explique aux néophytes en long, en large et en travers. « Pour exalter les saveurs ». Puis on déstructure, on reconstitue le plat à sa guise nous explique-t-on.
Nous passerons sur l’attente…Arrivées entre 21:30 / 21:45, ignorées pendant un laps de temps, nous avons fini par diner…à 23h. (Il y a ici deux services, l’un à 19:30, l’autre à 21:30 m’a-t-on précisé lors de la réservation).
…rime avec catastrophique
Certes les mets sont absolument délicieux, rien à redire, c’est élaboré, parfumé « une explosion de saveurs » comme j’ai pu lire çà et là. Mais coté accueil, la démonstration a été des plus déplorables, faisant preuve d’un manque d’élégance et d’humilité. La Rivière restera une expérience unique dans tous les sens du terme.
Un restaurateur n’est-il pas censé « recruter » et donner envie à de nouveaux clients de revenir ? Le client n’est-il pas censé repartir satisfait, afin de pouvoir à son tour recommander l’endroit autour de lui ? Se préoccupe-t-on ici uniquement d’une clientèle de fidèles qui a davantage « les moyens », donc digne d’intérêt ? Une clientèle d’habitués à qui on sert la main, auprès de laquelle on s’attarde et que l’on bichonne. Habituées, nous ne le sommes pas, et encore moins à ce type de traitement.
La déco est sympathique, colorée, un brin étrange …Un joyeux mélange, des piles de livres entassés ici et là, des objets arty sur fond de musique pseudo-branchée. Mais nous sommes loin de l’esprit café littéraire (pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, rappelons que nous sommes dans un gastro !). Une fausse décontraction, où la place de chaque livre est probablement millimétrée. Un désordre organisé qui n’est sans doute que le reflet de l’autorité du maitre des lieux, de son approche toute personnelle de la dégustation et de sa volonté de l’imposer.
L’idée de nous lever et de partir a fait plus que nous effleurer. La prochaine fois nous irons dîner à la Corde à Linge. Ou peut-être nous réservera-t-on un accueil plus chaleureux chez l’étoilé d’à côté – la Cambuse pour ne pas la nommer – qui pratique les mêmes tarifs (oui je connais le lien de parenté de la propriétaire avec celui de la Rivière).
Prix de la soirée 100€ à 3 : trois plats principaux accompagnés d’eau pétillante et un dessert (10€ tout de même le moelleux au chocolat, avec un pointe de confiture de kumquats, certes). Si vous respectez à la lettre le protocole de dégustation, je vous laisse faire le calcul sachant que : amuse-bouche env. 6€, entrées env. 14€, plats env. 25€, desserts 10€. Sans compter les vins. Pour être dans les petits papiers et se faire serrer la main en partant, comptez 70 euros par personne.
Inutile de préciser que je n’ai pas osé dégainer mon smartphone et encore moins mon reflex par peur des représailles. Pas de photos donc, pour illustrer ces mets si délicats. Nous n’avons pas osé broncher sur le moment, sans doute abasourdies par tant de condescendance, mais en tant que cliente, j’ai le droit de donner mon avis. Et d’avertir. Cette rivière-là continuera de couler, mais que cet article au moins permette au client de ne pas nager en eaux troubles.