Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces dernières semaines, les signes et les produits de qualité, j’ai baigné dedans. Pour mon plus grand plaisir. Après avoir fait partie du Jury du Concours Jeunes Talents et Produits de Qualité au Lycée Hôtelier de Thann (dans la catégorie Desserts, trop dur), j’ai pu faire partie cet année du convoi exceptionnel Strasbourg-Cambremer avec ma complice de cellule Emeline (ainsi qu’Adèle, recrue parisienne). Déjà appâtées par le gang des alsaciennes en goguette invitées l’an dernier, cette année, on a décidé – un peu sur le fil du rasoir – de se faire la malle pour la Normandie. Et parce qu’il y a beaucoup de choses à dire et à faire, je vais essayer ne pas vous noyer sous les informations. En tous cas, les distiller pour mieux les digérer ;-).
Les Rencontres de Cambremer
Cambremer c’est quoi ? D’abord un petit village de Normandie (Calvados) d’un peu plus de 1000 habitants, niché dans le pays d’Auge, situé à 35 km de Caen et sur la Route du Cidre. Ensuite, un festival dédié depuis 21 ans aux Appellations d’Origine Contrôlées et Protégées, les AOC / AOP, parrainé entre autre, par l’INAO.
Un rendez-vous annuel, le temps d’un week-end, entre curieux, gourmands, producteurs, exposants et intervenants, le tout dans un esprit rencontres. Ce festival a une double vocation : d’une part, d’être le cadre de réflexions menées sur des questions de fond ou d’actualité, sur la notion d’origine. D’autre part, d’être un lieu de promotion, de découverte et de pédagogie des AOC/AOP.
L’invité d’honneur du festival cette année était oriGin, une ONG (créée en 2003), alliance internationale d’indications géographiques (IG) qui représente et fédère au niveau international quelques 400 associations de producteurs et autres institutions liées aux IG de 40 pays. Sa principale mission porte sur la valorisation et la défense des IG. OrIGin fait notamment entendre la voix des producteurs dans le cadre des négociations européennes et internationales, et met en place des échanges et partenariats entre IG.
LES TEMPS FORTS DE CE WEEK-END…
♦ Le marché des produits AOC / AOP : Cambremer, c’est un marché, des exposants (env. 50) venus de la France entière mais également de Suisse, de Norvège, et d’Italie. Fromages, vins, cidres, Calvados, Poiré, saucisses, jambons, pains, huiles…Se faire la malle, c’est bien, mais la remplir – avec du beau, du bon, du contrôlé – c’est encore mieux ! Et sans qu’on vous mette le couteau sous la gorge.
Gamalost, fromage traditionnel de Vik (Norvège)
♦ De la Street-Food…
Caroline Vignaud – Traiteur Le Goût Sauvage (Saint-Lô)
♦ Des animations ludiques et pédagogiques, les Ateliers du Goût
Des ateliers pour les plus petits, pour les sensibiliser et les initier dès le plus jeune âge au (bon) goût et aux produits de qualité ! Et les Ateliers du Goût pour les grands : pendant 45 min. des spécialistes, des MOF (Meilleur Ouvrier de France) proposent au grand public d’approfondir leurs connaissances d’un produit (ou d’une famille de produits) AOC/AOP. Autour d’une dégustation, les experts livrent leurs conseils pour mieux apprécier le produit.
Cette année par exemple, un atelier était consacré à l’alliance, plutôt originale, des eaux de vie d’appellation avec les produits de la mer, tels que poissons fumés (hareng, haddock, saumon) et Bulots de la Baie de Granville (un atelier animé par Thierry Fabian de l’INAO Caen). Du choix de verre, à l’examen visuel, en passant par l’olfactif et le gustatif, à chacune des 3 étapes clés, son vocabulaire. On apprend d’abord à déguster les spiritueux, ensuite comment bien les marier aux produits de mer. Pour pousser un peu plus loin la découverte, vous pouvez télécharger ce petit leaflet complet sur la dégustation d’une eau de vie : Etapes de la dégustation des spiritueux (PDF)
Ou encore l’alliance des fromages de Savoie avec des vins issus de ce même terroir. Les fromages de Savoie, à base de lait cru, sont des fromages qui évoluent. Les vins rouges, en raison de leur astringence, ont tendance à annuler la complexité des goûts de ces fromages et ne sont donc pas les meilleurs alliés. Mieux vaut donc privilégier des vins blancs, secs. C’est ce que nous a enseigné Sébastien Breton (Directeur de l’Association des Fromages de Tradition des Alpes et membre d’oriGIn France) lors de son atelier. Les vins blancs sont plus complémentaires que les rouges et s’associent particulièrement bien aux fromages de Savoie.
Les fromages dégustés pendant l’atelier et les accords à privilégier :
- Emmental de Savoie et l’Apremont
- Chevrotin et le Chignin Bergeron
- Beaufort et le Chignin Bergeron
- Reblochon et le Mondeuse
♦ Des ateliers de cuisines, des démos animées par des chefs de restaurants, des élèves de lycées hôteliers, ou des blogueuses comme Emeline et moi. Un peu prises par le temps pour le choix d’une recette, on s’est finalement décidées pour une recette de cheese bread. Une recette rapide, conviviale, maligne, inspirée par notre complice Piment Oiseau, avec une mise en œuvre assez simple. Et un public intéressé par cette petite recette spéciale apéro.
La recette à télécharger ici : Recette pain apéritif (PDF)
♦ Des rencontres avec des professionnels, des moments échanges, des tables rondes sur des thématiques fortes ou sensibles telles que « Les indications géographiques, de nombreux bénéfices pour les consommateurs et les territoires ! » : une table ronde durant laquelle oriGIn a exposé les bénéfices directs des IG pour le consommateur (transparence, information, contrôle indépendant, qualité), mais aussi les bénéfices pour les territoires.
Nous sommes arrivées pile au moment de la présentation de l’étiquette (et de son créateur) commune pour les fromages de Normandie. Un concours initié par l’Association de gestion des ODG (Organisme de Défense et de Gestion) Laitiers Normands et dont l’objectif était de créer un dessin pour une étiquette de fromage, collective aux 3 fromages AOP Camembert de Normandie, Pont-l’Evêque et Livarot, sur le thème : une seule Normandie !
♦ Des ateliers de l’info, plus intimistes, qui permettent aux visiteurs de découvrir l’expérience d’un producteur, son produit, l’histoire de celui-ci, son élaboration, ses paysages..Ce jour-là c’était la rencontre avec Christian AMBLARD, Délégué général du Syndicat du Pruneau d’Agen (IGP), membre du comité exécutif d’oriGIn monde.
Ferme du Manoir de Grandouet
♦ Des randonnées gourmandes (avec rencontres de producteurs, visites de cave, découverte d’un savoir-faire et dégustations gourmandes). On a brûlé l’étape rando, bien qu’avec tout le fromage et l’alcool engloutis, cavaler dans la campagne normande nous aurait fait le plus grand bien. Le temps n’a pas joué en notre faveur non plus. La rando s’est donc limitée pour nous à la visite du Manoir de Grandouet, de la famille Grandval (producteur de lait, cidre, pommeau et Calvados).
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le Poiré…
Crédit Photo http://michele-frene-conseil.fr/
En plus de la région, le festival de Cambremer, c’est aussi l’occasion de découvrir des produits, pas très connus ou répandus hors des frontières normandes, en tout cas, en ce qui me concerne. C’est le cas du Poiré. Coup de cœur pour ce breuvage, frère jumeau du cidre mais élaboré à base de jus de poires fermenté. Une belle découverte… C’est doux, élégant et encore plus agréable que le cidre. Un alcool de filles, je ne sais pas, mais pour un palais comme le mien, assez peu habitué aux alcools forts (c’est-à-dire n’excédant pas les 13%) c’est parfait. Je me suis alourdie pour le retour, de quelques bouteilles de la Ferme de Grimeaux PACORY.
Le Pommeau de Normandie, avec ses 17%, passe encore l’examen haut la main. A moins d’être flambé sur une crêpe ou une tarte flambée, le Calvados en revanche, sera verbalisé pour taux d’alcoolémie trop élevé.
Pendant le festival ont aussi eu lieu un certain nombre de concours et de remises de prix. On s’est glissées en catimini dans la salle du foyer familial pour observer le jury en train de juger 9 échantillons (un an d’âge) pour le Concours de Poiré Domfront. Ambiance solennelle lors de la dégustation et des délibérations pour décerner le prix du Meilleur Poiré.
Le jury était composé de 5 membres, parmi eux : Bérengère Jehan Responsable de la Maison de la Pomme et de la Poire ; Jean Luc Olivier, producteur, Domaine de la Galotière ; Alain Jacquet, ingénieur à l’INAO.
Comme pour la dégustation d’une eau-de-vie, on retrouve le même vocabulaire, les mêmes critères pour la sélection des vainqueurs :
– Examen physique : limpidité, couleur, mousse, fluidité – 7 points
– Examen olfactif : franchise, qualité, intensité – 13 pts
– Examen gustatif : équilibre, corps, arômes, persistance – 20 pts
Au final une note sur 40 points. Et pour obtenir la médaille d’or, le cumul requis était de >34 points.
Et à quoi on reconnait un bon poiré ? La couleur, qui va du jaune pâle au doré (il ne doit pas être trop sombre), un bon équilibre entre acidité et sucre (versus le cidre, plus amer), une mousse qui reste dans le verre, sont souvent de bons indices…Le Poiré mûrit 1 an durant et peut ensuite se conserver 3 à 4 ans !
Les vainqueurs de ce concours :
♦ Médaille d’Or : Sébastien et Nadège GUESDON, La Cave Normande, St Cyr du Bailleul
♦ Médaille d’Argent : Frédéric et Catherine PACORY, EARL les Grimaux, Mantilly
♦ Médaille d’Argent : Régis TREHET, EARL Les Vergers de la Feslaie, Husson
♦ Médaille de Bronze : Louisette et J-Claude FOURMOND, EARL Fourmond Lemorton, Mantilly
Pour conclure, j’espère que ce billet vous aura déjà donné envie de découvrir ce village et ce festival (voire de faire partie du convoi 2016), qui rime avec authenticité ! Dans un second billet, j’évoquerai les signes officiels de qualité. Parce qu’un petit refresh, ça fait jamais de mal…Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les AOC !
Special Thanx : un grand merci à l’Agence Michèle Frêné Conseil – et à Elsa Burnel notre maton du week-end 😉 – chargée de l’organisation de l’événement et de sa communication – d’avoir transféré quelques bagnardes alsaciennes en Normandie !